
Depuis le 1er septembre 2025, les collectivités territoriales et leurs établissements publics de coopération intercommunale sont entrés dans la période préélectorale en vue des élections municipales de mars 2026. Cette période impose aux services et aux élus un cadre juridique strict de communication et de gestion contractuelle.
Contrairement à une idée reçue, la période préélectorale n'implique pas un arrêt total de la communication institutionnelle ni une suspension de l'action administrative. Les collectivités conservent leur capacité à informer les usagers, mais doivent veiller à ce que leurs actions ne se transforment pas en promotion électorale. Le présent bulletin adopte délibérément un prisme opérationnel, centré sur ce que les services peuvent faire et comment ils doivent le faire, plutôt que sur les restrictions applicables aux candidats.
Les règles du jeu : Informer oui, communiquer, non
Les principes fondamentaux de la communication
En période préélectorale, Les collectivités doivent assurer la continuité du service, et donc communiquer sur l’activité du service publics. Il faudra toutefois veiller à ce que cette communication ne favorise ni ne soutienne un candidat, quel qu’il soit.
Cette communication ne doit en aucun cas se transformer en un outil de promotion personnelle de l’équipe sortante visant à influencer le vote des électeurs, proscrit par les dispositions du code électoral1.
Les administrations publiques sont tenues de communiquer sur les actions de la collectivité de manière impartiale et neutre, et ce, dans l’objectif de maintenir une égalité absolue entre les candidats.
À cet égard, les actions de communication doivent être guidées sur la base de trois critères jurisprudentiels suivants :
- la neutralité du contenu2 (si le message est politiquement neutre et informatif).
- l'antériorité3 des actions (si elles ont été réalisées avant la période préélectorale ou spécifiquement pour l’élection),
- la continuité et l’identité des supports4 (si les supports de communication ont changé de forme ou de fréquence de manière inhabituelle)
La régulation de la communication en collectivité
L’interdiction de propagande électorale et le respect des précédents principes concerne :
- tous les supports de communication de la collectivité qu'ils soient physiques (affiches, bulletins, carte de vœux) ou numériques (sites web, réseaux sociaux).
- tous les évènements et manifestations : cérémonie des vœux, inauguration d’un nouvel ouvrage public, pose de première-pierre, débat/enquête publique...
Ainsi toute création de nouveau support, toute augmentation du nombre d'événements sont à proscrire durant les 6 mois précédent le premier tour.
Qu’en est-il de la passation de marchés publics/concessions durant cette période ?
Le code de la commande publique ne contient pas de dispositions spécifiques interdisant ou suspendant la passation de contrats de la commande publique durant une période électorale. Jusqu’au premier tour, les services, élus et organes compétents (CAO, CDSP) conservent donc leurs prérogatives et peuvent continuer à lancer, instruire et conclure des procédures, sous réserve du respect des principes généraux du CCP.
Toutefois, entre le 1er tour et l’installation du nouveau conseil, l’activité doit être limitée à la stricte gestion des affaires courantes5, sauf cas d’urgence incontestable6. Les organes décisionnaires demeurent en place uniquement afin d’assurer la continuité du service public7.
Questions-réponses opérationnelles au regard de la jurisprudence électorale
Peut-on procéder à l’inauguration d’un nouvel équipement durant la période pré-électoral ?
Il n’est pas interdit de procéder à l’inauguration d’un nouvel équipement de la collectivité, sous réserve que :
- des inaugurations de ce type ont pu être réalisés par le passé,
- l’inauguration est réalisée dans un délai proche de la fin des travaux et que ne soient invitées que les personnes ayant encadré le projet
- et enfin, toute référence/mention aux élections à venir est à proscrire lors de cet évènement.
L'inauguration d'un projet déjà achevé depuis longtemps, mais réalisée quelques mois avant les élections avec des invités de type ministre ou député, ne pourrait être perçue comme une tentative de promouvoir l’élu en place8.
Peut-on créer un site internet ou une page de réseau social sur cette période ?
Si la création d’un site institutionnel dans les six mois avant l’élection est autorisée, son utilisation doit respecter les principes de neutralité9. Tout contenu susceptible de favoriser un candidat ou de promouvoir ses actions à des fins électorales doit être supprimé. Il est donc recommandé :
- d'assurer une gestion stricte des pages Facebook, Twitter et autres outils numériques de communication.
- de dissocier la page de l’élu se présentant de celle de la collectivité, ne pas reproduire la charte graphique de la collectivité (identité visuelle)10
- de ne pas partager, liker ou effectuer un « repost » d’une publication du compte de campagne de l’élu sur la page de la commune11
Les services doivent veiller à ce que la frontière entre information institutionnelle et propagande électorale soit clairement définie, évitant toute confusion dans l’esprit des électeurs.
Peut-on publier un bilan de mandat dans l’édito de la collectivité sur cette période ?
Bien que le bilan d'un mandat puisse être partagé, il ne peut en aucun cas être utilisé comme une publicité déguisée pour le candidat sortant12. Le bilan de mandat doit être diffusé uniquement sur les canaux de communication du candidat et non dans l’édito de la municipalité.
Peut-on procéder à l’attribution d’un marché de prestations de services durant cette période ?
Jusqu’au premier tour, il est possible de procéder à l’attribution de ce marché. Toutefois, durant la période transitoire, le juge électoral témoigne une certaine sévérité au regard sur la définition des affaires courantes, sur l’urgence de la situation et du montant13. Aussi, il est recommandé pour des marchés de ce type, d’anticiper la passation.
Quelques références
- Article L.48-2 et L.52-1 du code électoral
- Conseil d’Etat, 29 juill. 2002, n°239846
- Décision n°2012-4592 AN du 18 janv. 2013
- Conseil d’Etat, 16 févr. 2021, n°446729
- Conseil d’Etat, 28 janvier 2013, Syndicat mixte Flandre Morinie, n°358302
- Conseil d’Etat, 1ᵉʳ avril 2005, Commune de Villepinte, n°262078.
- En application de l’article L.2122-15 du Code général des collectivités territoriales
- Conseil d’Etat, 7 mai 1997, n° 176788, « Élection municipale Annonay » - l'inauguration juste avant l’élection d'une bibliothèque municipale ouverte au public depuis plusieurs mois faisaient partie d'une campagne de promotion publicitaire interdite
- Conseil d’Etat, 6 mai 2015, n°382518 Afin d’éviter toute confusion, le site de la collectivité doit cesser ses éventuels renvois vers ceux d’élus-candidats.
- Conseil d’Etat, 6 mai 2015, n° 382518 - Annulation des élections municipales en raison de la création par un candidat et maire sortant d'une page Facebook de statut « public » intitulée « Mairie d'Hermes » qui pouvait être confondue avec la page officielle de la ville dénommée « Ville d'Hermes ».
- Conseil d’État, 6 mai 2015 n°382518
- Conseil d'État, 6e chambre, 30 décembre 2021, n° 448699 - Un bulletin municipal comportant un éditorial du maire qui dresse un bilan avantageux des réalisations accomplies par la municipalité et expose plus de 150 projets réalisés par la municipalité sortante, illustrés par de nombreuses photographies du maire s'apparente, au regard de son contenu, à une édition spéciale. Même s’il n'y est pas fait référence de manière explicite aux futures élections, le numéro a constitué une campagne de promotion publicitaire interdite.
- Préconisations proposées par la QE n° 12527, rép. min. publiée au JO Sénat du 25 septembre 2014.